9 mai 1940 – 7 juin 2020
9 mai 1940 – 7 juin 2020
HOMMAGE AU PÈRE LIONEL DEHOUX DÉCÉDÉ LE 7 JUIN 2020 AU MONASTÈRE D’ÉTANG-REY, HAITI
Par Nicole, Pascal et Maxime Dehoux – sœur, neveu et frère du Père
En très sincère a hommage, à celui qui était affectueusement appelé « Mon Pè » par le monde des déshérités auprès desquels il exerça son ministère avec amour et dévouement tout au long de presqu’un demi siècle de sacerdoce.
En sympathique et dévoué frère scout de la première heure. Il n’a jamais failli à son idéal de service qui l’a poussé au plus haut degré de la générosité et du détachement.
Son cheminement dans la voie du dévouement l’a conduit à explorer un noble chemin dans la recherche et la réalisation de son plan d’action : celui du don de soi sans compromis.
Enfance et adolescence
Né le 9 mai 1940, comme 2ème fils de Marie Garescher et de Marc Dehoux, à Port-au-Prince, Haïti, d’une famille de 4 enfants, de l’élite du pays de cette époque, encore très marquée par la division des classes sociales héritée de l’époque coloniale.
C’est un enfant assez taciturne, qui se fait souvent taquiner par les autres cousins plus volubiles et excités, vivant sous le toit de la grande maison familiale du Chemin des Dalles au Pont St Géraud de Port-au-Prince où ils sont tous nés. Sa mère semble avoir toujours eu de ce fait, une tendance à le protéger des sarcasmes des autres. C’est un brillant élève de l’institution des Frères de St Louis de Gonzague de Port-au-Prince une des 2 écoles élitistes masculines de cette époque, ou il termine son primaire. Puis au Petit Séminaire Collège St Martial des Spiritains de Port-au-Prince il termine avec succès à 17 ans, en mai 1958, son Baccalauréat de fins d’études secondaires.
Sans attendre, 5 mois plus tard, avec un ami, il s’embarque pour la France sur un bateau de fret pour rejoindre tous deux la communauté des Petits Frères des Pauvres de Charles de Foucault pour enfin réaliser son rêve d‘enfance de rentrer dans les ordres.
En effet, Il avait depuis sa plus tendre enfance lors d’un rêve, demandé à sa mère quand c’est qu’elle lui ferait sa grande soutane, ayant eu l’habitude dès son jeune âge de la petite soutane d’enfant de cœur. Il jouait souvent le rôle du prêtre aux baptêmes de poupées des filles lors des jeux d’enfants. Il servait régulièrement la messe en compagnie de son frère aîné et de ses petits cousins à la chapelle de l’école de filles des sœurs de la Sagesse du quartier où il habitait. Lionel passait une grande partie de son temps à lire, loin des ébats des autres garçons de son âge. Il se laissait parfois aller à repousser agressivement ceux des enfants qui venaient le harceler en le dérangeant. Sa mère avait le tour de le calmer et de lui faire prendre conscience de ses réactions agressives.
Il fit partie durant toute sa jeunesse du mouvement scout du petit loup au routier et en a gardé cette dévotion au service des nécessiteux.
Recherche de sa voie et ordination
Au retour de France 2 ans plus tard, en mai 1960, sans être resté chez les Petit Frères de Charles de Foucault, ni avoir eu la chance de se faire accepter comme il le désirait dans un ordre contemplatif, il rentre au pays et se retrouve le 4 avril 1961 chez les Petits Frères de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, communauté nouvellement fondée par le Révérend Père Farnèse Louis-Charles à Rivière Froide en Haïti pour s’occuper à tous points de vue (spirituel et matériel) des pauvres paysans des montagnes éloignées.
Puis ce fut en octobre 1961 à Port-au-Prince, son entrée au Grand Séminaire Notre-Dame d’Haïti à La Villa Manrèse, fondée par les Jésuites pour poursuivre sa formation et en vue de faire partie de la communauté des Petits Frères des pauvres du Père Louis-Charles de Carrefour. Il y demeura jusqu’en 1964 à la fermeture du Grand Séminaire de Port-au-Prince dirigé par les Jésuites, chassés du pays par le gouvernement de Duvalier. Il dû une nouvelle fois interrompre son parcours. Il n’avait pas fini son périple à la poursuite de son aspiration de porter un jour officiellement la grande soutane.
Il resta à Carrefour en attendant de se retrouver de 1965 à 1969 au Nouveau-Brunswick au Canada dans l’Institut « Voluntas Dei »pour enfin tenter d’atteindre la prêtrise.
Là encore nouveau déboire. Après avoir été jusqu’au sous-diaconat, consacré à la basilique Notre Dame du Cap de La Madeleine en grande pompe en présence de toute la famille et des amis venus pour la circonstance, il doit encore interrompre son parcours durant une année passée dans sa famille à Montréal, travaillant comme enseignant de catéchèse à Saint-Jérôme. L’été suivant, après avoir accompagné le père d’un ami à l’aéroport de Montréal, il décida le jour même de rentrer en Haïti ou les pauvres avaient plus besoin de ses services que la société riche du Québec. Il partit 2 jours après pour regagner le grand séminaire à Port-au-Prince ou il termina enfin ses études de prêtrise. Il fut ordonné comme prêtre séculier en Haïti le 6 août 1972 à l’Église de Carrefour, en plein quartier défavorisé de Rivière Froide, où son rêve s’est enfin réalisé. Le père Louis-Charles, son mentor haïtien qui le suivait de loin et l’encourageait à tenir bon, l’attendait comme collaborateur pour son sacerdoce auprès des plus démunis et pour aider au développement du pays.
Son ministère
Son ministère débuta donc chez le Petits Frères des pauvres de la paroisse de Carrefour en août 1972 sous la houlette du Père Louis Charles, lui-même en voie de béatification aujourd’hui, son maître dans la révélation du service aux plus déshérités de notre pays.
Nommé vicaire auxiliaire à la paroisse Saint Charles Boromée de Carrefour où il venait d’être ordonné, il y exerça son ministère jusqu’en octobre 1975 quand il passa comme vicaire à la paroisse Saint Pierre de Pétion-Ville .
Ses oeuvres
Belle-Fontaine et Étang Rey
Le 13 octobre 1975 : première visite surprise de 3 jours, à la paroisse de Belle-Fontaine dans les montagnes éloignées, qui dépendait de Pétion-Ville, et qui n’avait pas de curé depuis 3 ans, à cette époque où personne ne se pressait aux portes. Il accepta dans ce coin reculé un ministère qui le rapprochait encore de son but, en devenant fin décembre 1975 administrateur de la paroisse de Belle-Fontaine, fonction qu’il exerça jusqu’en octobre 1985.
Le 24 juin 1976 : fondation à Ducrabon (Belle-Fontaine) de l’association des Petites Servantes de Jésus-Hostie et du Cœur Immaculé de Marie (auquel fut ajouté par la suite le nom de Saint Joseph), future congrégation religieuse abritée dans une petite baraque en tôle. Cette congrégation naissante se déplaça avec le Père Dehoux, leur père spirituel, à la fin de son mandat dans cette région en 1985. Ces jeunes paysannes, analphabètes pour la plupart n’auraient jamais pu réaliser leur aspiration religieuse dans aucune des communautés religieuses existantes dans le pays, la plupart étrangères et exigeant des conditions d’admission impossibles à rencontrer pour ces jeunes paysannes.
Le samedi 1er juillet de l’an de grâce 2000, fête du Très Précieux-Sang de Jésus et fête du Cœur Immaculé de Marie, reconnaissance officielle par Mgr Jean-Alix Verrier, Évêque des Cayes, avec l’approbation de Rome, de l’association comme congrégation religieuse de droit diocésain. Cet évêque s’était réjoui en accueillant et en facilitant dans son diocèse la présence du Père Dehoux avec sa communauté naissante qui avait pour premier but d’être une communauté de contemplatives vouée à la prière et à l’adoration jour et nuit.
Plus de 40 ans d’adoration et de prière (le très saint Rosaire) perpétuelle, jour et nuit, et de sacrifices, depuis le début à Belle-Fontaine, pour le salut des âmes et la délivrance des âmes du Purgatoire et plusieurs autres intentions de première importance. Plus de 40 années d’efforts pour construire et pour améliorer la vie très pauvre de la communauté et des orphelins.
Du début de l’orphelinat il y a un peu plus de 25 ans à Étang Rey, avec un petit nombre d’enfants de Belle-Fontaine abandonnés par leurs parents et 2 autres dont les parents venaient de mourir, leur nombre est allé croissant jusqu’à celui de 55. Plusieurs d’entre eux on terminé leurs études secondaires, et même leurs études supérieures, et ont trouvé un travail en ville dans leur branche…
Carrefour, Rivière Froide, Belle-Fontaine au cœur du « Trou Coucou » comme on appelle cette région, dans les montagnes les plus reculées et inaccessibles de l’arrière-pays et enfin aujourd’hui encore Étang Rey, au milieu des plus pauvres furent les différents champs d’apostolat du Père Dehoux. Qui ne se souvient pas de l’avoir reconnu sur le chemin, plutôt piste de montagne par le Fort Jacques, traversant le lit des torrents, cahotant à l’assaut des pentes abruptes dans sa petite Suzuki jaune, s’efforçant vaillamment sur des versants glissants et escarpés de ce « chimin kabrit » qu’il ne cessait d’améliorer, seule voie d’accès à des populations vraiment oubliées et coupées du reste du pays.
Le Père Dehoux a vite maîtrisé les « kombites » (travail communautaire entre voisins) mémorables, pour améliorer grandement ces pistes dangereuses, où les paysans le surveillaient et accouraient au bruit de sa Jeep surtout en saison des pluies pour lui porter secours en cas de difficultés.
Par temps d’orage, lorsque le sol était transformé en piste boueuse et glissante, les paysans qui l’attendaient au « mauvais pas » attachaient la Jeep avec des cordes et la tiraient tout simplement pour l’aider à franchir les courbes glissantes et le sauver de la dégringolade assurée. Anecdote pour la petite histoire…
Infatigable, sans répit, partageant, soulageant, bénissant, ramassant sur sa route les blessés, malades et affamés, s’arrêtant pour bénir et absoudre parfois des morts gisant sur le chemin durant les troubles politiques, le Père Dehoux connaît des réalisations qui passent par toutes les sphères du sens communautaire. Il cumule à son actif partout où il a œuvré, dispensaire, boulangerie, école, eau potable et un regroupement paysan nommé PRESTEN « presé swen tè-nou » en créole (empressons nous de prendre soin de notre terre), à l’instar du Père Louis-Charles très actif, qui s’occupa des années durant, de reboisement et de protection des sols en milieu rural ainsi que de développement de cultures économiques avec un certain succès.
Pensez-vous que l’heure du repos avait sonné? Eh bien non ! La population de l’endroit a vite fait de se passer le mot que le Père Dehoux était sur place et sans délai les premiers orphelins étaient emmenés aux sœurs peu après leur arrivée, il y a plus de 25 ans, pour les sauver de la mort et de la misère.
Un orphelinat «de facto», réelle génération spontanée, s’est rapidement constitué, bien que ce n’était pas le but premier de la communauté. Comment retourner tous ceux qui se sont vite passés le mot dans les environs, que des sœurs venaient de s’y installer et avaient recueilli un premier bébé du coin! Aujourd’hui, une trentaine d’ enfants sont hébergés, scolarisés et nourris du mieux possible. La capacité en est à son maximum, surtout après la destruction complète des anciens locaux pompeusement appelés l’orphelinat, où miraculeusement aucune mort, ni blessure ne fut à déplorer pendant le Séisme de 2010 qui a durement frappé le pays.
Aujourd’hui grâce à la Fondation du Père Lionel Dehoux chapeautée par l’ancienne présidente de l’Amicale des Anciens Guides et Scouts de Montréal, Jeanne d’Arc Léger, et aidée par Christiane Pelchat en l’honneur de Serge Marcil, son époux décédé durant le séisme le jour même de son arrivée dans le pays, un coquet bâtiment moderne et assez spacieux, domine de sa belle couleur bleue l’emplacement des décombres d’hier. Une petite maternelle et 2 premières classes enfantines sont aussi annexées à l’orphelinat.
L’entretien, l’éducation les soins de santé ne sont assurés que grâce aux dons de la Providence qui veille sur le troupeau. Tout y fait besoin, et le parrainage est un moyen d’assurer aux enfants une relation, une affection et le soutien financier.
Cette communauté au nom de Petites servantes de Jésus-Hostie, du Cœur Immaculé de Marie et de St Joseph est enfin officiellement reconnue en l’année 2000 par Rome et est aujourd’hui, grâce à un bienfaiteur qui a permis d’acquérir le terrain, installée au cœur d’autres montagnes toujours difficilement accessibles dans les hauteurs de Miragoâne, cette fois, au pied du plateau de Salagnac, plus précisément à Étang Rey.
La condition des derniers kilomètres qui y conduisent après 4 heures de route de Port-au-Prince vers le sud ne diffère pas beaucoup de celle de Belle-Fontaine. Ils ont aussi été construits de main d’homme à la pelle et à la pioche, par les soins du Père Dehoux. Ils sont entretenus volontairement par les paysans de la région de la même manière, car soumis aux rudes conditions de ce terrain montagneux, avec des pluies fréquentes et en constante érosion.
On se souviendra aussi de lui dans cette région, au volant de sa nouvelle et plus spacieuse jeep Toyota Blanche offerte par Caritas grimpant allègrement à l’assaut des pentes, toujours accompagné de deux sœurs, ses anges gardiens comme il disait, sans jamais avoir eu d’accident, récitant le chapelet tout le long du chemin, et ramassant les marcheurs, heureux de se coincer jusqu’au dernier petit bout de banc, à l’arrière de la Jeep déjà chargée à craquer de toutes sortes de provisions pour la survie là-haut. C’était le taxi populaire de la région.
Le terrain inculte, rocailleux et dénudé au sommet de la montagne abrite aujourd’hui le Monastère rudimentairement érigé au début en blocs de ciment faits sur place par toute la communauté au long des années. Il est devenu un havre de paix et de verdure retrouvée, par les soins de toute la communauté. Sa magnifique et spacieuse église, grâce toujours à de généreux donateurs de partout, accueille pour la messe quotidienne les sœurs, les enfants, et ceux des environs qui le souhaitent.
L’orphelinat, très rudimentaire durant des années, a été complètement détruit lors du séisme, mais rapidement reconstruit selon de meilleures normes grâce à des donateurs Québécois, sous surveillance à distance par Internet et lors de voyages sur place par son frère aîné Maxime Dehoux, qui est ingénieur. Il trône maintenant de son beau bleu, et fait le bonheur des enfants, mieux installés, avec sa maternelle et ses 2 classes primaires.
Une fondation nommée « Fondation du Père Lionel Dehoux » officiellement reconnue comme organisme de bienfaiance par le gouvernement canadien, a été mise sur pied par l’Amicale des anciens scouts et guides de Montréal et contribue par des levées de fonds annuelles au soutien matériel du monastère. Une section attenante au bâtiment principal abrite une communauté de Petits Frères, aussi créée par le père Dehoux. L’adjonction de cellules privées pour les religieuses, d’un noviciat, et d’autres pièces administratives et utilitaires ajoutées aux fil des années au prix de grands efforts, grâce à de généreux donateurs complètent confortablement leur installation, rendant les lieux dignes aujourd’hui du nom de monastère, le tout couronné par la magnifique chapelle qui jouxte le bâtiment principal veillant maternellement sur toutes ces installations. Plus rien à voir avec les premiers murs de blocs de ciment brut faits à la main, qui accueillaient la communauté 30 ans plus tôt !
Deux autres extensions de la communauté existent aussi à Bergeau, près des Cayes, et bien sûr à Belle Fontaine, en plus d’un embryon qui a vu le jour en France où les religieuses vont en formation grâce toujours à de généreux donateurs.
Une visite et un champ d’action bénévole dans le havre de recueillement, de retraite, de paix et de prière qu’est ce lieu, est toujours accueille avec joie et gratitude pour tous ceux qui veulent expérimenter ce que signifie se confier à la Providence comme le lys des champs et les oiseaux du ciel.
Trente petites paires d’yeux reconnaissants, vivaces et joyeux vous lancent aujourd’hui, un coquin clin d’œil pour solliciter de vous un parrainage qui leur permettrait de continuer à survivre et à se développer dans les meilleures conditions. « Mon Pè », comme ils appelaient leur Père adoptif approuvait ce désir et vous en donne son autorisation. Soyons donc les grands frères et sœurs de l’Étang Rey et ouvrons notre cœur et notre bourse.
Les Petites servantes de Jésus-Hostie, du Cœur Immaculée de Marie et de St Joseph, semi-cloitrées se consacrent à la prière et à la contemplation qui, comme le disait le Père Louis-Charles, sont les paratonnerres du pays… En plus de s’occuper de l’orphelinat, elles cultivent intensément une bonne partie de leur nourriture, tiennent un poulailler, font des travaux d’artisanat de couture, de broderie, de produits du terroir tels que beurre d’arachide, confitures, huile de palma christi et autres qui génèrent de maigres revenus. Certaines d’entre-elle s’initient à l’informatique et le cellulaire est devenu leur contact sine qua non avec le reste du monde, et surtout leurs bienfaiteurs de l’étranger. Ora et Labora! Mais il reste encore beaucoup à faire pour soutenir le rythme de l’évolution des choses tout en respectant leur vœu de simplicité volontaire cher au Père Dehoux .
Que la figure du Père Dehoux, Lionel pour ses intimes soit pour nous un vivant rappel de notre idéal scout qui ne peut trouver sa réalisation que dans l’action. Qu’il soit aussi un rappel de notre bonne compagne de toujours, la B.A. quotidienne, dans la joie et la générosité de nos cœurs, pour le bénéfice de ces tout-petits laissés pour compte dans notre société d’abondance. Père Dehoux nous donne sa Bénédiction et crie « Onè » (honneur) bien fort à notre porte, répondons lui par un fier et généreux « Respè » (respect) selon la belle tradition de notre pays lorsque quelqu’un s’annonce à la porte des maisons. Scout un jour, scout toujours.
Visiteurs
C’est en 2003 qu’à eu lieu la première visite de 15 jours d’une équipe des membres de l’Amicale des Scouts du Montréal-Métropolitain, qui ont mis la main à la pâte et reçu la piqûre au goût du revenez-y, et continuent à choyer leur bébé. Ces visites et ces séjours ont été source d’énormément de bonheur et de réalisations partagées dans l’amour inconditionnel pour tous ceux qui y ont participé. Plusieurs autres visiteurs locaux et de l’étranger y trouvent un lieu de paix, de recueillement dans une simplicité propice à des retraites privées, et à de l’entraide. Tous y sont chaleureusement accueillis.
Un prêtre écolo
Témoignage de Pascal Dehoux, neveu du Père et membre de la Fondation du Père Lionel Dehoux
Pour moi, il n’était pas seulement le père Dehoux, il était surtout mon oncle Lionel.
Je voulais partager avec vous un coté moins connu de lui, son côté « écologiste ». Il a eu une influence déterminante dans ma carrière. C’est entre autres grâce à lui, par son implication dans l’organisation haïtienne PRESTEN, que j’ai découvert la crise environnementale qui sévissait en Haïti, notamment celle du déboisement. C’était au début des années 90, à la toute fin de mes études en environnement, alors que je dirigeais plus ma carrière vers la protection des oiseaux du Canada. Je découvrais alors que mon oncle était ce que j’appellerais un prête écolo. Il me disait qu’il tenait ça de son mentor, le père Louis-Charles, qui depuis longtemps, s’inquiétait du déboisement qui affligeait le pays. La protection de l’environnement d’Haïti, j’en ai fait ma carrière, ma passion.
Nous ne nous voyions pas souvent, lui étant en Haïti, dans ses montagnes, moi au Canada. Lui, il vivait les problèmes sur le terrain, l’impact du déboisement, les insectes qui mangeaient les récoltes, la terre qui s’érodait, les nombreux ouragans. Moi je voyais la crise environnementale de manière plus théorique, dans les rapports, dans les études, dans les articles, durant les conférences. Nous nous complétions bien, nous avions beaucoup à échanger, jamais suffisamment de temps pour le faire. C’était le seul sujet à l’ordre du jour de nos rencontres.
Pour moi, il était un précurseur. Certains panneaux solaires, là-haut à Étang-Rey, doivent bien avoir 30 ans, peut-être plus. On montait sur le toit du couvent pour voir les panneaux solaires. Au Canada, on avait même été ensemble chez Canadian Tire pour voir ce qu’il y avait comme lampes solaires, comme batteries rechargeables, toujours dans le but de s’éclairer de manière écologique. Depuis longtemps, il tenait que soit utilisé le plus possible des fours au gaz pour la cuisson des repas afin de diminuer l’utilisation du bois et du charbon de bois qui est en grande partie responsable du déboisement. Il avait même essayé, malheureusement sans succès, des fours solaires qu’il m’avait montré lors de ma première visite à Étang Rey il y a près de 30 ans.
Il me faisait visiter les terres agricoles du couvent, me montrait les arbres qu’il avait plantés, me parlant de ceux qu’il aimerait ajouter. On parlait de compost, même de vermicompostage, de culture sans pesticide, tout pour avoir le moins d’impact négatif sur l’environnement. Il me demandait mon avis alors que pour moi, c’était souvent lui l’expert.
Mon oncle aimait bien une formule créole, qu’il attribuait au Père Louis-Charles, qui à mon avis résume bien son action, jusqu’à la toute fin. Il l’avait repris dans un message sur le site Internet de la Fondation qui porte son nom : « Fé byen, toutotan ou kapab, pou tout moun ou kapab, tout koté ou kapab, joustan ou pa kapab ankò ». « Faire le bien, tant que vous le pouvez, à toute personne et en tout endroit que vous en êtes capable, jusqu’à ce que vous ne puissiez plus. ». A mon avis, Il a appliqué cette formule jusqu’à la toute fin.
Donc merci cher oncle Lionel, repose en paix, repos bien mérité, nous serons plusieurs à tenir le flambeau, le mien sera celui de l’environnement d’Haïti.
Mission accomplie!
En ce 7 juin 2020, en plein milieu les de cette pandémie déclarée de facto par les autorités mondiales, le père Dehoux nous tire sa révérence après près 13 mois de souffrances consécutives à une malencontreuse chute qui lui a valu une fracture de la hanche dont il n’a pas récupéré. Les prémisses du départ définitif s’étaient hélas mis en route. ll fut ramené à son cher monastère d’Étang Rey après près de 4 mois de soins dévoués des religieuses, des proches à Port-au-Prince et de la dernière visite des ses frères et de sa sœur de Montréal qui l’ont soigné avec amour, sentant bien que la fin approchait, tenant à l’accompagner, et acceptant que l’heure du retour à la maison du Père, auréolé d’un tel palmarès, avait sonné. Nous le célébrons aujourd’hui avec tout l’amour qu’il portait dans son cœur pour son Dieu, ses protégés, sa famille, ses bienfaiteurs et pour la communauté des Petites servantes de Jesus- Hostie, du Cœur Immaculé de Marie et de St Joseph. « Mission accomplie « c’est le mot qui caractérise le mieux son oeuvre de plus de 50 ans de service en vrai scout, dans l’idéal du don sans attendre de retour. Qu’il soit accueilli et célébré avec un formidable « Oshan » (admiration et félicitations) selon notre belle tradition locale par tous ceux qui l’ont précédé.
Honneur à toi cher Lionel, frère, cousin, oncle et parrain, et père spirituel bien-aimé de tout ce monde que tu as accompagné sur notre terre chérie d’Haïti. Que la fête soit belle là-haut pour t’accueillir et ton repos bien mérité, doux à ton âme, parmi ceux qui t’ont précédé. Nous savons que tu n’es pas vraiment parti, car tu vivras éternellement par le souvenir gravé dans nos cœurs. De là-haut, tu continues ton oeuvre qui ne doit pas mourir et pour laquelle durant la cérémonie des tes funérailles, l’évêque de Nippes, qui s’est déplacé pour la célébration dans ta belle église au milieu de tous ceux venus te saluer, ou ayant assisté de loin, à insisté sur le fait que la responsabilité reposait maintenant sur les épaules de la communauté. Nous serons aussi toujours à ses côtés pour que se perpétue encore de belles réalisations dans l’esprit de service aux plus démunis, que ton âme a su nous insuffler à tous.
Ce poème du Béninois Talix Doccy, illustre si bien le départ de notre bien-aimé frère.
Quand la feuille se sépare de sa branche
Elle ne perd pas sa verdure:
Le vent transporte sa sève
Aux espérances assoiffées
Et aux cœurs endormis.
Quand l’oiseau s’écoute lui-même
Il nous laisse son chant
Mais emporte sa chanson
Vers d’autres horizons.
Quand le haut idéal transcende l’être
Il rattache l’espoir à l’espérance
Et donne sens au sourire des oubliés.
Quand le matin raconte son rêve
Son aura bousculera le sommeil
Pour annoncer le soleil.
Ce n’est qu’un au revoir Lionel, nous ne sommes pas tristes, mais célébrons avec toi ta renaissance dans l’autre monde car Dieu qui nous voit tous et nous garde dans son amour saura nous réunir!
Ce n’est qu’un Au revoir, vieux LION!!!
Ayibobo! Ayibobo! Ayibobo!!!